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Un parfum de nos maux

Fuite sanglante

19 Mai 2008 , Rédigé par zazou Publié dans #nouvelles

 

Sur une idée d’Ecriture Ludique, il s’agissait réaliser un texte à l'aide de 30 titres de chansons du groupe Indochine (ou de l'album solo de Nicolas Sirkis - leader du groupe)

Leila - A l'est de Java - Des ombres sur l'O - 3 nuits par semaine - Le train sauvage - La chevauchée des champs de blé - La machine à rattraper le temps - Une maison perdue - Punishment Park - Soudain l'été dernier - Les plus mauvaises nuits - La colline des roses - Savoure le rouge - Sur les toits du monde - La main sur vous - D'ici mon amour - Candy prend son fusil – Drugstar - Les silences de Juliette - Petit Jésus - La nuit des fées - Un singe en hiver - J'ai demandé à la lune - Anne et moi - Le seigneur des toits - Entrez dans le rêve - Les portes du soir - Alice et June - Aujourd'hui je pleure - Justine à l'heure dite

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          Trois nuits par semaine, Anne et moi allions pratiquer le spiritisme (nous adorions cotoyer la mort) dans une maison perdue, perchée sur une colline qui arborait une magnifique couleur rose-orangée au soleil couchant. C’est pourquoi nous l’appelions la colline des roses. Nous avions de là une vue circulaire, superbe. L’impression d’être sur les toits du monde cheminait agréablement dans notre cerveau.
            Nous avions rendez-vous avec Justine mais celle-ci n’était pas encore arrivée.


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« On entre quand même ? proposa Anne.
"Non, répliquai-je. On a promis d’attendre Justine à l’heure dite. »

Mon amie allait avancer quelques arguments lorsque notre attention fut attirée par des sanglots provenant de la grange jouxtant la maison. Nous nous y engageâmes résolument et découvrîmes une jeunee fille recroquevillée, tout contre un ballot de foin.

«  Comment t’appelles-tu ? lui demandai-je doucement.
"Leïla ! » me répondit-elle entre deux hoquets.

Je voulus l’interroger davantage quand un bruit de pas se fit entendre, lourd et maladroit. Ce ne pouvait être Justine qui se déplaçait toujours avec la grâce du chat.

« C’est Candy !hurla Leïla. Candy prend son fusil ! »

            Absolument terrifiée, elle sauta sur ses pieds et nous entraîna à sa suite. Elle souleva une botte de foin, découvrant une trappe dont nous ignorions l’existence. La panique de Leïla était communicative, et nous nous empressâmes, la trappe se refermant derrière nous comme un piège. Nous longeâmes une galerie sombre, passant plusieurs portes, aussi noires que les plus mauvaises nuits.

« Les portes du soir » pensai-je. Mon subconscient me suggérait que je m’approchais du soir de l’existence.

« Nous arrivons bientôt, souffla Leïla. Quand nous aurons atteint la machine à rattraper le temps, nous seront sauvées ! »

             Anne et moi, nous nous regardions, déconcertées.
            La galerie s’agrandit en un vaste couloir garni de rails en son centre.

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 « Ca y est ! » exulta notre guide.

            En fait de machine, nous grimpâmes précipitamment à bord d’un train d’un autre siècle, mal entretenu, vétuste, comme revenu à l’état sauvage. Le train sauvage s’ébranla lorsqu’un rugissement de haine résonna dans le couloir.

 « Je savoure le rouge de ton sang ! » psalmodia le dénommé Candy, écumant de rage, en transe presque. Soudain un coup de feu. J’hurlai. Le fou avait épaulé son fusil, visé et touché Anne en plein cœur. Son corps bascula et alla s’affaisser sur la voie ferrée. Impuissantes, en larmes, nous nous éloignâmes inexorablement, entraînées je ne sais où par la machine infernale. Je tendai le bras vers Anne. En vain. Celle-ci ne se relèverait plus. Elle partageait dorénavant les silences de Juliette, sa petite sœur morte trois ans plus tôt.

« Désolée ! Je suis désolée ! Je te demande pardon !cria Leïla. Candy, c’est mon père. Son addiction au Drugstar, l’équivalent de l’héroïne dans votre monde, l’a rendu complètement fou furieux ! »

            Je n’écoutais pas, noyée de chagrin. Je serrais fort, très fort dans ma poche le petit jésus en argent, mon porte-bonheur, cadeau de ma grand-mère disparue. Je me rappelai soudain l’été dernier, nos vacances à l’est de Java. Anne alors joyeuse et pleine de vie s’ébrouait gaiement dans les eaux de l’île ensoleillée. C’était fini tout ça.         
           
Le train allait de plus en plus vite, sortait du tunnel puis sillonnait les champs à la vitesse de la lumière. La chevauchée des champs de blé s’arrêta brusquement dans une clairière scintillante.
            Un groupe d’une vingtaine de femmes vêtues de blanc était là. Elles se tenaient la main, formant un cercle autour de deux enfants, qu’une robe de bure blanche couvrait également.

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« Cette nuit, m’expliqua Leïla, c’est la nuit des fées. On peut alors parler au ciel, demander à ce qu’un vœu soit exaucé. Cette nuit, j’ai demandé à la lune de libérer mon père du poison qui le ronge. La lune, par la bouche de June, le seigneur des toits, a refusé d’exaucer ce vœu. C’est pourquoi aujourd’hui je pleure et que tu m’as retrouvée désespérée dans la grange, dans ton monde. Habille-toi de cette robe blanche et rejoins les femmes autour d’Alice et June. Parle à la lune. Peut-être t’écoutera-t-elle. »

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Je m’approchai. Alice accrocha mon regard.

« Je dois poser ma main sur vous pour transmettre vos prières à l’astre d’argent ».

            Comme c’était étrange. La jeune fille ne parlait pas. Elle se contentait de me transférer ses pensées, le plus naturellement du monde. Et tout aussi naturellement, par l’intermédiaire d’Alice, j’implorai la lune par la seule force de mon esprit de faire cesser ce cauchemar.
Une voix rauque, comme sortie des entrailles de la Terre, émana de la bouche de June.

« Entrez dans le rêve ! »

             Je fus alors entraînée dans un tourbillon, avalée par l’œil d’un cyclone. Je perdis connaissance. Je me réveillai quelques secondes ou quelques siècles plus tard, allongée sur un banc, la tête lovée contre des bras puissants. Je reconnus les araucarias du Punishment Park. Tout ceci n’avait donc été qu’un rêve ! Un rire reconnaissable entre tous fit tressauter les bras accueillants.

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« Bien dormi ? susurra la voix de mon amoureux. Tu sais, d’ici mon amour, j’admire avec gourmandise tes yeux magnifiques, les ombres de l’O de ton nombril ! »

Je me relevai en riant et me figeai d’effroi, glacée comme un singe en hiver. La personne qui se tenait devant moi, usurpant la voix de mon fiancé, était Candy. Il dégoulinait du sang d’Anne et ses lèvres se retroussaient en un masque hideux. Il se jeta sur moi et planta ses dents dans ma gorge, tranchant la jugulaire.

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H
Joli ! Moi j'ai renoncé à faire cet exercice. Ta version est excellente !
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Z
<br /> Merci (zazou qui rougit)<br /> <br /> <br />
F
archhh! quelle horreur! mais si joliment et si palpitament (nouveau mot) écrit!big bisous
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M
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P
Une histoire très entrainante qui nous plonge dans un monde très menaçant, avec la terreur finale quand on croyait ton héroïne tirée d'affaire... brrr, c'est plus de mon âge tout ça ;-)) 
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S
Je trouve que tu as superbement relevé ce défi. J'aime beaucoup ton texte, tu as beaucoup d'imagination et j'ai été surprise par la fin.
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